de Invité » Dim Avr 24, 2005 7:38 pm
Ce jour-là. Juste ce jour-là. J'ai assisté à mon premier concert de silence. Mon premier. Et mon dernier.
Oh! Je ne vous souhaite pas de lui tendre l'oreille.
Pas tout de suite.
Ce jour où les flammèches solaires léchaient les vitres et m'innondaient le visage de lumière et le coeur de chaleur.
Ce jour où le ronronnement de mes pensées rejoignait celles de ma petite copine "Ma première petite copine!" affirmais-je le regard pétillant de fierté.
Ce jour où le froissement des couleurs peignait le paysage en vitesse accélérée derrière les épaisses vitres.
Une explosion assourdissante a interrompu mon euphorie et mes méditations.
Et puis... tout le monde s'est tu. D'un seul coup!
Moi aussi. Oh! Que c'était beau!
Jamais je n'avais entendu quelque chose de semblable. Rien ne pouvait égaler cette mélodie.
Le public ne bondissait pas, ne chantais pas. Les enceintes ne hurlaient pas leurs entrailles.
Ils restaient juste silencieux.
Ils encourageaient même le silence, en stoppant leur respiration.
Un gros bonhomme à ma gauche avait cessé son souffle rauque, une vieille femme sa respiration saccadée, et deux enfants en face de moi avaient interrompu le chamaillement de leurs jeunes coeurs amoureux.
Alors j'ai fait de même et j'ai savouré cette mélodie sans instruments.
Oh! Pas longtemps.
Je me suis juste dit, du haut de mes douze ans, que j'aurais aimé avoir un peu plus de temps.
Mais ça ne fait rien, j'ai réalisé quand même un petit rêve. J'en suis persuadé.
Demain on parlera de moi à la télévision. Et puis dans le journal aussi. Il y aura même une rubrique où mon nom trouvera sa place.
Comme je serai fier!
Il ne faudra pas pleurer. Ca ne sera pas triste.
Parce que toujours, toujours, je m'en souviendrai de ce concert de silence.
J'aurais juste préféré que nom nom soit inscrit ailleurs. Sur une affiche par exemple.
Une toute petite affiche devant le théâtre. Mais il serait écrit en grandes lettres majuscules.
Ou même en petites. Ce n'est pas grave.
C'est bien aussi en petit.
Je voudrais juste effacer, avec les larmes de mes proches, l'encre noire qui inscrira dès demain mon identité dans la rubrique morts dans l'attentat de Madrid.
Le concert de silence
(Adeline)